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Charge de preuve en droit bancaire : obligations d’information

L’existence d’une obligation d’information en matière de droit bancaire.

La charge de la preuve est commune à toutes les disciplines dans lesquelles il existe une obligation d’information et notamment en matière de droit bancaire[1] Initialement, les règles probatoires ont été dégagées en matière médicale en ce qui concerne l’obligation d’information du médecin. La Cour de cassation du 25 février1997[2] déclarant dans un arrêt de principe que « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation »[3].

Preuve de l’obligation d’information en matière contractuelle en droit bancaire

La preuve de l’obligation d’information dans les contrats est dissociable sur certains points de la preuve des obligations en général. Les principes fondamentaux demeurent en ce sens identiques. A cet égard, la Cour de cassation de 1997 a invoqué comme fondement pour justifier sa solution, le nouvel article 1353 du code civil[4] qui atteste que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver »[5]. Toutefois, es canaux de transmission de l’information doivent distinguer en pratique l’existence de l’information de son exécution. En réalité, il s’agit de faire ressortir la charge de la preuve.

Par conséquent, le professionnel diligent doit prouver l’exécution de son obligation d’information. La preuve de son exécution pèse à cet effet sur le débiteur.

Preuve de l’existence de l’obligation d’information.

Dès lors, l’exécution de l’information est effective à la condition que celui qui se prétend créancier de cette obligation en ait démontré l’existence. Par conséquent, la preuve de l’existence de l’obligation d’information est du ressort du créancier qui doit démontrer la réunion des éléments constitutifs de l’obligation. En outre, ce dernier doit démontrer la pertinence de l’information[6] au regard du contrat et selon le fondement juridique de l’action engagée et ce, par tous les moyens.Sur le plan matériel, l’information pertinente concerne notamment une qualité substantielle de l’objet du contrat. A cet égard, le créancier doit prouver qu’il ignorait cette information. Sur le plan psychologique, le créancier doit en principe démontrer que l’établissement bancaire connaissait l’information et son caractère déterminant. L’intention du débiteur est de ce fait perçue comme une intention frauduleuse incitant le créancier de bonne foi à conclure le contrat.

Preuve de l’exécution de l’obligation d’information.

La preuve de l’exécution de l’obligation d’information consiste quant à elle, à se questionner sur l’éventuelle transmission ou non par le débiteur de l’obligation d’information ainsi que sa compréhension et par extension, son appréciation par son destinataire. Cela sous-tend à une distinction prétorienne entre l’envoi de l’information dont la preuve incombe au professionnel et la réception de cette information dont le client doit démontrer l’inexistence. La charge de la preuve de l’exécution de cette obligation s’avère toutefois malaisée tant la portée de l’information est modulable, selon qu’il s’agisse de sa transmission ou de sa compréhension par son destinataire[7]. La preuve de la transmission de l’information est selon une grande partie de la doctrine du ressort du créancier qui doit dès lors prouver que le débiteur n’a pas rempli son obligation en s’abstenant de le renseigner ; c’est ainsi que le « créancier de l’obligation devra faire la preuve de son inexécution, c’est-à-dire d’un fait négatif ; bien souvent on pourra dire que res ipsa loquitur. Sinon, et chaque fois que le juge refusera au créancier son concours, le débiteur bénéficiera du doute »[8].

Cependant, la pratique conteste cette solution non conforme au nouvel article1353 du code civil qui considère que c’est au débiteur de l’obligation d’information de rapporter la preuve de ce qu’il a transmis au regard de son obligation de résultat. En réalité, le débiteur n’invoquera pas le fait qu’il ait informé son contractant mais plutôt qu’il n’était tenu d’aucune obligation d’information. Cette solution parait adaptable à la problématique de la charge de la preuve dans la mesure où la démonstration par le créancier d’une telle obligation implique une « proposition négative indéfinie, ce qui est loin d’être aisé, voire impossible »[9].

Démonstration de la preuve en droit bancaire

La démonstration de la preuve ne doit pas non plus perdre de sa portée compte tenu du jeu des présomptions de fait. La nouvelle tendance des débiteurs de l’information serait de facto à la pré-constitution de la preuve de l’obligation d’information de leur cocontractant avec des décharges de responsabilité. La preuve préconstituée est admissible à partir du moment où les stipulations des clauses sont suffisamment précises et ne se limitent pas à des énonciations générales. Ces clauses doivent en ce sens servir de base de recherche et d’interprétation pour les juges. Ces modes de preuve supposent que le professionnel ait correctement exécuté toutes les obligations pesant sur lui. Sa responsabilité ne pourra plus par conséquent être recherchée. Pour autant, l’appréciation et la compréhension de l’information demeurent du ressort du créancier. En effet, « l’obligation que le destinataire ait compris l’information étant une obligation de moyens, la charge de la preuve de son inexécution incombe cette fois à son créancier[10]1. La transmission matérielle de l’information pousse en ce sens le créancier à prouver que le débiteur n’a pas utilisé tous les moyens à sa disposition. L’information transmise doit en principe être efficace sans quoi le débiteur est soupçonné d’avoir commis une faute dans le choix « des modalités adéquates »[11] mises en œuvre. Ce n’est pas tant la preuve de la réception de l’information qui pèse sur le créancier, mais dès lors que la fourniture de l’information est en cause dans ce cas, « il n’incombe pas à l’établissement de crédit de prouver que la caution a effectivement reçu l’information envoyée»[12].

C’est à la caution qu’il appartient de combattre cette vraisemblance. Le professeur Legeais souligne que « c’est donc la caution qui supporte le risque de la preuve ».

Contrôle de l’existence et de la portée de l’obligation d’information sur la distribution du crédit.

A cet effet, le contrôle de la Cour de cassation dénote une réelle volonté d’unification du régime de la preuve des obligations d’information, qu’elles soient d’origine jurisprudentielles ou légales, d’essence bancaire ou non ; ce qui ne remet pas pour autant en cause la distinction entre les obligations d’information de type nouveau ou classique. L’existence et la portée de l’obligation d’information sont dûment contrôlées805 et encadrées. C’est ainsi que la Chambre commerciale de la Cour de cassation censure une Cour d’appel pour violation des articles 1915 et l’ancien article 1135 du Code civil (nouvel article 1353 du Code civil) au motif que « si la banque, simple dépositaire de titres, assume en vertu des usages, les obligations accessoires au contrat, inhérentes à la détention de ces titres, aux droits qui y sont attachés et à leur restitution, ni les usages, ni l’équité, ni la loi ne l’obligent en outre à informer le déposant d’un événement affectant la vie de la société, émettrice des titres ». Il en va de même pour la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 13 mars 1990 qui affirme qu’en « mettant à la charge du débiteur, une obligation de s’informer, qui ne lui incombait pas et sans préciser la date à laquelle il avait eu connaissance des opérations effectuées sur son compte » mais encore, la détermination des obligations d’information intégrées dans les conventions en tant que « suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ». Une fois la charge de la preuve reconnue, l’exécution de l’information doit être pertinente.


[1] F. Boucard, les obligations d’information et de conseil du banquier, PUAM, 2002 préc p :270 et s. n[2] Civ 1ère du 25 février 1997, Bull.n°75 et rapport de la Cour de Cassation pour 1997, p.271 ; Gaz. Pal 1997.1.274, rapport P. Sargos et note J. Guigue ; Rép.Def.1997.750, note J.-L Aubert ; F. Chabas, l’obligation médicale d’information en danger, JCP.G.2000. I.212 ; v. également, Civ 1ère, 10 octobre 1997, Bull.278.n[3] J.-F. Burgelin, l’obligation d’information le patient, expliquéeaux médecins, rapport de la Cour de cassationpour 1999.71, spéc.75.n[4] V. ColloqueAEDB – France & M2 Droit bancaireet financier de Paris 1, 13 avr. 2016, « la réformedu droit des contrats : enjeux pour le secteur bancaire et financier », Revue de droit bancaire et fin. n°3 de mai 2016 alerte 47. n[5] Cela concerne, notamment, l’obligation d’information de l’avocat : Civ. 1ère, 29 avril 1997, Bull.n°132, p.88 ; du notaire : Civ.1ère, 3 février 1998, Bull, n°44, p.29.nnn[6] Com.8 janvier 1991, Juridique LAMY, n°85 ; en matière de dol : Civ.1ère, 31 mars 1998 ; Civ.1ère, 7 mai 1998, RPC.1999.122, obs.E.Kerchhove ; Civ.1ère, 10 mai 1989, Bull. n°187 p.124 ; JCP 1989 II, 21163, note D. Legeais ; R.T.D.Civ.1989.738.obs.J Mestre ; Rép.Def.1989, art.34633, p.1403, n°131, note L.Aynès; Revue Banque 1989.758, note J.Rives Lange ; R.T.D.Civ.1992.605, obs. M.bandrac ; v.également J.-L Guillot, le droit ducautionnement, Banque et Droit, Evolutions Jurisprudentielles 1990, n°spécial 1990, p.18 ; L. Lautretteet F.Haefele, la responsabilité des banques dans l’octroi et le retrait de crédit, les Petites Affiches du 12 mai 1995, n°57, p.4 et plus particulièrement p.7.n [7]Com.7 janvier 1997, RPC. 1999.191.; Besançon, 11 septembre 1998, R.T.D. Com. 1998.904, obs. M. Cabrillac; en matière d’assurances : Civ 1ère, 9 décembre 1997, Bull.n°356, p.240 et Resp. civ. Et Ass.1998, Com.n°172, obs.C.G.n[8] M.Fabre-magran, préc. P. 427 et s.nn[9] M.Fabre-Magnan, prèc p.427 et s.n[10] M.Fabre-Magnan prèc. p.430 et s. 802n[11] M.Fabre-Magnan prèc. p.440s.n[12] Civ.1ère, 25 novembre 1997, R.T.D. Civ. 1998.155, obs.P.Crocq ; Com.9 février 1999, Bull. n°41, p.33 et Banque Magazine mai 1999.74, obs. J.-L. Guillot et v. également D. Legeais note sous Première Chambre civile 26 avril 2000, RDBF 2000.27 ; D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, 11ème ed LGDJ, 09/2016.

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