Le conflit d’intérêt n’est rien d’autre qu’une une situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction.
Cependant, malgré une reconnaissance par la Constitution de la notion: force est de constater , qu’il n’existe pas de loi organique relative au conflit d’intérêt : cette notion se veut abstraite, avec un vide juridique incontestable.
Le législateur est –il pour autant tombé dans l’amalgame conflit d’intérêt / corruption ?
Faut –il réduire cette notion, qu’à certaines situations particulières ?
Le droit français est il plus avancé dans ce domaine ?
I) Définition du conflit d’intérêt :
A) La définition préconisée par l’instance centrale de prévention de la Corruption en droit :
Le conflit d’intérêts est appréhendé dans le projet de plateforme juridique de l’instance centrale de prévention de la Corruption comme « toute situation dans laquelle se trouve un fonctionnaire, un employé ou un professionnel de nature à influer son indépendance, son impartialité et son objectivité lors de la réalisation de sa fonction qui aboutirait à l’acquisition d’un intérêt, un avantage matériel ou moral, direct ou indirect ».
Au sens de l’article 36 de la nouvelle Constitution Marocaine, « les infractions relatives aux conflits d’intérêts, aux délits d’initié et toutes infractions d’ordre financier sont sanctionnées par la loi. Les pouvoirs publics sont tenus de prévenir et réprimer, conformément à la loi, toutes formes de délinquance liées à l’activité des administrations et des organismes publics, à l’usage des fonds dont ils disposent, à la passation et à la gestion des marchés publics ».
Le Code général de la fonction publique, interdit, en matière de santé, à tout fonctionnaire d’exercer une quelconque autre activité dans le but de prévenir contre les conflits d’intérêt. Cette disposition nourrit une grande inquiétude parmi les professionnels de la Santé, tout particulièrement les enseignants. En publiant la circulaire sur la fin du Temps plein aménagé (TPA), le ministère de la Santé a voulu mettre fin au cumul de fonctions et prévenir ainsi contre les conflits d’intérêt : en effet, aujourd’hui, une bonne partie du personnel médical exerce dans les cliniques privées, au détriment de leur principale mission.
L’article 7 du Code de déontologie des avocats argue quant à lui, que l’avocat ne peut être ni le conseil ni le représentant ou le défenseur de plus d’un client dans une même affaire s’il y a conflit entre les intérêts de ses clients ou, sauf accord des parties, s’il existe un risque sérieux d’un tel conflit.
Sauf accord écrit des parties, il s’abstient de s’occuper des affaires de tous les clients concernés lorsque surgit un conflit d’intérêt, lorsque le secret professionnel risque d’être violé ou lorsque son indépendance risque de ne plus être entière.
Il est à noter, que le conflit d’intérêt ne bénéficie pas d’une loi organique.
De facto, comment est appréhendée cette notion en droit français ?
B) L’absence de base légale en droit Français :
Il n’y a aucune définition officielle du conflit d’intérêt, ni dans le langage commun, ni dans le langage juridique ni dans le langage médical.
Le conflit d’intérêt est pourtant une situation à laquelle tout individu s’est trouvé confronté dans sa vie familiale, sociale ou professionnelle.
Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ( Recommandation N°R( 2000)10) à propos des agents publics « Un conflit d’intérêt nait d’une situation dans laquelle une organisme public ou privé, possède à titre personnel des intérêts directs ou indirects qui pourraient influer ou paraitre influer sur la manière dont elle s’acquitte de ses fonctions et des responsabilités qui lui ont été confiées par cet organisme ».
Pour autant, selon l’universitaire Américain Ezra Suleiman, la France se caractériserait par son indifférence en vers cette notion ; celle –ci serait plus familière aux Anglo-saxons qui l’ont inventée, un député intervenant à la Chambre en 1919 observait que les fonctionnaires ne devaient pas être « soupçonnés d’une complaisance intéressée ».
Un conflit d’intérêts peut dés lors, être défini comme le fait, pour une personne exerçant une activité professionnelle ou disposant d’un mandat électif, de s’être placée dans une situation pouvant susciter un doute sur les mobiles de ses décisions. Jerome Cahuzac , en charge des relations avec les laboratoires pharmaceutiques au cabinet de Claude Évin, ministre des Affaires sociales de 1988 à 1991, et soupçonné d’avoir ensuite bénéficié de leurs largesses, offre un exemple désormais célèbre de conflit d’intérêts. Il est suspecté d’avoir pris ses décisions, lorsqu’il était le collaborateur de Claude Évin, dans le but d’obtenir un renvoi d’ascenseur de certains laboratoires.
Ainsi, pour la Cour Européenne des Droits de L’homme les magistrats doivent non seulement être impartiaux, mais encore ne pas se placer dans une situation où un justiciable pourrait les soupçonner de ne pas l’être. En somme, on peut être à la fois parfaitement honnête et en situation de conflit.
Le Service central de prévention de la corruption estime qu’un conflit d’intérêts naît quand un professionnel «possède, à titre privé, des intérêts qui pourraient influer ou paraître influer sur la manière» dont il «s’acquitte de ses fonctions (…)» (rapport annuel pour 2004).
Lors du Conseil des Ministres du 13 Mars 2013, il était question d’un projet de loi sur les conflits d’intérêts , et particulièrement la création d’une haute autorité déontologie de la vie publique pour une transparence financière de la vie politique, cette autorité, composée de hauts magistrats, aurait le pouvoir de rendre des avis, recommandations et mises en demeure, et pourrait adresser des injonctions dont la méconnaissance serait sanctionnée par le juge pénal. Elle pourrait s’auto-saisir et rendre ses avis publics dans certaines circonstances.
A cet égard, le seuil de tolérance de certains usages varie d’un pays à l’autre. Au Royaume-Uni, le Ministerial code contient des prescriptions très précises interdisant aux membres du gouvernement de prendre des décisions de nature à favoriser les intérêts de leur circonscription. En France, cette pratique demeure banalisée et jugée naturelle.
In fine, notre tentative de définition du conflit d’intérêt s’articule autour de deux critères, en effet :
Le conflit d’intérêt est une situation dans laquelle se trouve un individu chargé de prendre une décision ou de donner un avis en application de critères objectifs sur un sujet donné, dans l’intérêt général ou dans l’intérêt d’une personne en particulier, et dont la décision ou l’avis sont susceptibles d’être orientés par l’interférence de critères subjectifs liés à son intérêt propre, c’est-à-dire aux avantages qu’il peut retirer directement ou indirectement de cet avis ou de cette décision.
Par conséquent, le conflit d’intérêt apparait avant tout comme un problème moral ; il peut toutefois engendrer des conséquences pour des tiers : il devient alors juridique .
Néanmoins, malgré l’existence de cette notion, celle-ci demeure aux contours incertains.
II) Une notion aux contours incertains :
Certes la nouvelle Constitution aborde la question mais il faudrait mettre en place une loi organique propre au conflit d’intérêt.
Mettra- t – on dans ce sens, en exergue les principales recommandations de l’instance centrale de prévention de la Corruption relatives à conflit d’intérêt (A) pour ensuite, envisager les carences et lacunes auxquelles reste confrontée la législation Marocaine (B) .
A) Les principales recommandations de l’instance Centrale de Prévention de la Corruption :
Parmi les principales recommandations de l’instance Centrale de Prévention de la Corruption :
- La définition claire du concept « Intérêt »( matériel, moral, privé, public..)
- La distinction entre le conflit d’intérêt et la déclaration du patrimoine
- L’adoption d’une stratégie nationale globale et intégrée pour la prévention et l’encadrement du conflit d’intérêt basée notamment sur une approche participative assurant l’implication de toutes les parties prenantes ( publique, privée, sociétés civiles, médias).
- L’intégration dans la stratégie nationale des 3 dimensions relatives à la déontologique, à la prévention et à la répression.
- L’évaluation des différents textes de lois existants traitant partiellement ou indirectement le conflit d’intérêt pour les actualiser, les harmoniser voire même les compléter.
- La promulgation d’une loi spécifique au conflit d’intérêt définissant clairement son périmètre en apportant des réponses claires et précises des questionnements suivants : Qui, Quoi, Comment, Quand ?
- L’identification des différents intervenants dans le processus de prévention et d’encadrement des conflits d’intérêt qui seront en charge éventuellement de la déclaration, de la vérification, du contrôle ainsi que de la sanction tout en insistant sur l’obligation de garantir de l’autorité en charge de la détection et de l’investigation.
- La définition des modalités de détection, de vérification, de contrôle ( vérification aléatoire, à priori et à postériori).
Au-delà des simples recommandations dénuées de caractère coercitif, la notion de conflit d’intérêt met en lumière les carences véritables de la législation marocaine.
B) Les carences de la législation marocaine en matière de conflit d’intérêt :
Cette tentative de définition de la notion met en lumière des problématiques importantes :
- L’absence d’une vision globale du conflit d’intérêt ;
- L’éparpillement des différents textes de loi qui font référence à cette notion
- L’omniprésence des conflits d’intérêts au gouvernement, parmi les parlementaires, la fonction publique comme dans le secteur privé, le cas des parlementaires qui exercent la profession d’avocat.
- Le conflit d’intérêt ne se réduit pas à la seule démonstration d’infractions telles, des actes pénalement répréhensibles comme la Corruption , le favoritisme, le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts , l’enrichissement illicite.
- Pour la garantie de la confiance du citoyen : il s’agit d’éviter un télescopage d’un intérêt public avec un autre intérêt public , un intérêt privé avec un autre intérêt privé ou un intérêt privé avec un intérêt public.
- Le départ dans des entreprises privées de hauts fonctionnaires qui étaient auparavant en relation de travail avec celles-ci – une pratique connue sous le nom de «pantouflage»
- Une pénalisation mitigée : le rapport de le Cour des Comptes en matières de sanctions demeure bien en dessous de la moyenne.
- Faudrait –il à cet égard, la mise en œuvre d’une stratégie de la gouvernance publique pour
- Une Politique de lutte contre les conflits d’intérêt efficace, conditionnée, intégrée et fondée sur des objectifs fixés pouvant être suivis et évalués.
- Pallier le manque d’harmonisation du dispositif pénal et judiciaire avec les exigences de lutte contre le conflit d’intérêt et l’effet dissuasif limité des sanctions.
- La faiblesse des relations institutionnelles, de coopération et d’échange d’expertises et d’informations
- La faiblesse du niveau de la gouvernance publique particulièrement imputable aux défaillances relevées en matière d’interdiction des conflits d’intérêts et d’enrichissement illégal et au niveau tant de la gestion des ressources humaines et financières et des marchés publics que des relations entre l’administration et les citoyens.
Au-delà, d’une analyse au niveau central puisqu’il a mis au grand jour la défaillance de la gouvernance territoriale due à la faiblesse de la transparence de la gestion locale, à la relation floue et hésitante entre les instances élues et les citoyens, à l’inadéquation des organismes de tutelle et de contrôle, à la portée limitée des actions des institutions.
Comment dénoncer un conflit d’intérêt?
Lorsqu’un individu identifie un conflit d’intérêts, il est de son devoir éthique de le dénoncer. Cependant, la procédure de dénonciation doit être claire et accessible pour encourager la transparence. Les mécanismes actuels de dénonciation doivent être revus et améliorés afin d’offrir une protection adéquate aux lanceurs d’alerte.
Comment déclarer un conflit d’intérêt
La déclaration des conflits d’intérêts devrait être obligatoire dans toutes les entreprises. Les politiques internes doivent être mises en place pour guider les employés dans ce processus. Une déclaration transparente des conflits permettrait de prévenir les situations compromettantes avant qu’elles ne deviennent irréparables.
La prévention des conflits d’intérêts
La prévention demeure la clé pour éviter les conséquences dévastatrices des conflits d’intérêts. Les entreprises doivent mettre en œuvre des politiques proactives visant à minimiser les risques et à promouvoir une culture d’intégrité. La formation continue et la sensibilisation sont des outils essentiels pour renforcer la vigilance contre les conflits potentiels.
La gestion des conflits d’interêt
La gestion efficace des conflits d’intérêts repose sur la mise en place de mécanismes robustes pour résoudre ces situations de manière équitable. Les entreprises doivent développer des procédures claires et accessibles pour traiter les conflits, en veillant à ce que les décisions prises favorisent l’intégrité et la transparence.
Le conflit d’intérêts et la profession d’avocat
En tant qu’avocats spécialisés en droit des affaires, nous sommes confrontés à des défis particuliers en matière de conflits d’intérêts. Notre responsabilité envers nos clients exige une vigilance constante pour éviter toute situation susceptible de compromettre notre indépendance et notre intégrité professionnelles. La confiance que nous inspirent nos clients repose sur notre capacité à gérer ces conflits avec rigueur et éthique.
La menace des conflits d’intérêts dans le monde des affaires est palpable et nécessite une action immédiate. Les lacunes dans la législation française doivent être comblées, et les entreprises doivent adopter des mesures proactives pour identifier, dénoncer, déclarer, prévenir et gérer ces situations délicates. En tant que professionnels du droit, nous devons jouer un rôle essentiel dans la promotion d’une culture d’intégrité et d’éthique, non seulement pour le bien de nos clients, mais aussi pour la préservation de la confiance indispensable au bon fonctionnement de nos systèmes économiques.