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Les techniques de contrôle du crédit en France : perspectives juridiques

Les gouvernements doivent pouvoir agir sur la politique du crédit, qu’il s’agisse des volumes du crédit ou de leurs taux. Il s’agit en pratique, de prévenir tout risque de défaillance ou de liquidité d’une part, par le biais d’une intervention efficiente de l’Etat et d’autre part, par la mise en place de mécanismes nouveaux afin de permettre le rétablissement du crédit.

Les techniques de contrôle du crédit se matérialisent d’une part, par un ajustement des taux de crédit par les autorités (I) ainsi que les réserves obligatoires que les établissements de crédit doivent conserver à la Banque de France (II). Les techniques de contrôle du crédit se matérialisent d’autre part, par une intervention des établissements de crédit (III) ainsi que la mise en œuvre effective de la procédure d’open market sur le marché (IV). Les facilités permanentes ne doivent pas in fine être occultées au regard de la spécificité du droit français (V)

Ajustement des taux de crédit par les autorités

En premier lieu, les taux de crédit 1 peuvent être ajustés par les autorités. Les taux d’intérêt à court terme sont en principe, déterminés par la Banque centrale européenne. Ils influent en outre, sur les coûts de refinancement. Une réduction des taux d’intérêts constitue à cet effet, indirectement une incitation économique à la consommation.

Les autorités bancaires agissent par conséquent, sur la distribution du crédit en agissant sur la masse monétaire 2. Le contrôle du crédit est dès lors indirect car il repose en réalité, sur le contrôle de la liquidité bancaire, la mobilisation des créances tout en s’adaptant à la politique budgétaire 3. Ceci étant, l’ajustement des taux du crédit n’est pas la seule alternative qui s’offre aux institutions européennes et nationales, elles peuvent tout autant se voir imposer des réserves.

Les réserves

Les réserves obligatoires 4 sont des sommes que les établissements de crédit doivent conserver à la banque de France sous forme d’avoirs inscrits en compte de réserve et dont le montant, calculé en fonction d’une assiette définie par les textes, génère une rémunération au profit des établissements de crédit assujettis à l’obligation de constitution de réserves obligatoires. Les établissements de crédit ont l’obligation de déposer en compte une fraction des dépôts reçus. Ils ne sont plus tenus de déposer en compte une fraction des dépôts reçus.

En d’autres termes, les établissements de crédit de la zone euro sont tenus de conserver un certain montant de réserves sur leur compte courant auprès de leur Banque Centrale Nationale (BCE). Les autorités bancaires obligent à cet effet les établissements de crédit à se refinancer, en réduisant les liquidités disponibles. En pratique, la réduction de liquidités disponibles est source d’un coût et donc d’un renchérissement du crédit.

Dans cette même perspective, l’intervention sur les marchés constitue en sus, une alternative intéressante à la distribution du crédit.

L’intervention sur les marchés

En effet, les établissements de crédit interviennent activement sur les marchés, en empruntant les sommes qu’ils vont reprêter 5. Le coût du crédit est à cet effet, conditionné par le taux qui leur est appliqué. Ces établissements doivent également se refinancer. En d’autres termes, ils peuvent céder des les créances représentatives des crédits consentis. Les autorités monétaires peuvent dès lors agir sur les actifs éligibles. Le refinancement s’opère aujourd’hui, sur le marché monétaire plus spécifiquement, le marché interbancaire et le marché monétaire ouverts à tous les opérateurs, quelle que soit leur qualité. La mise en œuvre de la procédure d’open market ne doit pas pour autant être occultée.

La procédure d’open market

La procédure d’open market désigne de facto le système européen des banques centrales (SEBC), qui est en charge de la politique monétaire. Les opérations d’open market permettent aux établissements de crédit de se refinancer. En d’autres termes, ces opérations consistent pour le Banque Centrale à intervenir sur le marché monétaire pour acheter ou vendre des titres contre de la monnaie centrale.

La BCE peut piloter les taux d’intérêts et gérer la liquidité 6. Les Banque Centrale cherche en pratique, à modifier à la baisse ou à la hausse, le taux du marché monétaire. L’open market influence la liquidité bancaire grâce à un effet prix et un effet quantité. L’effet quantité est direct d’une part, en achetant des titres, la Banque centrale met sa monnaie en circulation. En les vendant, elle retire sa monnaie. L’effet prix est indirect d’autre part. Quand la Banque Centrale achète des titres, leurs prix augmentent et les taux d’intérêt baissent.

Les établissements de crédit peuvent à cet effet se refinancer à un prix ou à un coût faible7. Inversement, lorsque la Banque Centrale vend des titres, les taux d’intérêt augmentent, ce qui crée des tensions sur le marché. La procédure peut de facto, être scindée en deux modalités8. La Banque centrale prête d’une part, de l’argent ou emprunte. Des liquidités sont fournies sur appels d’offres ou mises en pension à diverses échéances d’effets représentatifs de crédits ou de titres négociables.

Les facilités permanentes

La Banque centrale peut d’autre part, agir directement sur les marchés de capitaux par achats et ventes de titres. Cette procédure présente en pratique, des avantages notables. Il s’agit tout d’abord d’une procédure directe de marché dans la mesure où la Banque Centrale intervient au même titre que n’importe quel agent.

Elle peut à cet effet ajuster ses interventions en déterminant à la fois les montants et le moment. En outre, elle constitue une procédure à la discrétion de la Banque Centrale, d’où la souplesse relative à son utilisation. Il s’agit en dernier lieu, d’une procédure réversible. En d’autres termes, les autorités bancaires peuvent fournir ou retirer des liquidités sur le marché monétaire. Par conséquent, il s’agit d’une procédure qui permet un réglage et un ajustement précis de la liquidité du système bancaire.

L’octroi de facilités permanentes constitue la dernière technique permettant d’influencer la distribution du crédit. Les facilités permanentes sont des opérations effectuées à la demande des établissements bancaires, leur permettant de se refinancer ou de déposer au jour le jour leurs surplus de liquidités. Elles peuvent être de deux types.

La facilité de prêt marginal permet d’une part, d’obtenir de la Banque de France, contre des actifs éligibles, des liquidités à vingt-quatre heures à un taux d’intérêt préétabli et vise à satisfaire des besoins temporaires de liquidités. Les apports de liquidité sont dès lors effectués par le biais de prises en pension de titres négociables à vingt- quatre heures ou de prêts à vingt- quatre heures garanties par des créances privées. La facilité de dépôt permet d’autre part, la constitution de dépôts rémunérés à taux préétabli à vingt-quatre heures auprès de la Banque de France. Les facilités permanentes sont enfin, gérées de manière décentralisées par les Banques Centrales Nationales (BCN). Leurs modalités de fonctionnement sont identiques dans toute la zone euro. Une contrepartie peut faire autant d’opérations, qu’elle le juge nécessaire sans limitation de montant. Les opérations de facilités de prêts et de dépôts sont rémunérées. Les taux de rémunération sont in fine, décidés par la Banque Centrale Européenne (BCE).


n1 D.Legeais, Traité des opérations de crédit, ed. Lexis Nexis, 03/2018 p.286.n2 G. Dianna, « Le refinancement du crédit par la Banque Centrale », Dalloz, coll, « Actes », 2012, p.187.n3 J. Weill, « L’aspect macroéconomique du crédit bancaire », Dalloz.coll. « Colloque », 2012, p.5.n4 Les règles relatives aux réserves obligatoires sont énoncées par des règlements émanant du Conseil de l’UE et de la Banque Centrale Européenne (BCE). Il s’agit plus spécifiquement des Règl. n°2531/98 du 23 nov. 1998 et Règl. n°2532/98, du 23 nov.1998.

5 M.-N. Nsouli, « Recherches sur les critères d’une banque centrale moderne. Etude comparative entre la banque du Liban, la Banque de France et la Banque Centrale Européenne », LGDJ, 2003, préf. D. Legeais, p.145 et s.n6 Les opérations d’open market peuvent être divisées en quatre catégories : les opérations principales de refinancement qui ont une fréquence d’une semaine, les opérations de financement à plus long terme, les opérations de réglage qui visent à faire face aux fluctuations imprévues de la liquidité, les opérations structurelles permettant à l’euro système d’ajuster le montant des liquidités disponibles sur le marché à long terme.

7 G. Dianna, « Le refinancement du crédit par la Banque Centrale », in Le crédit préc. Dalloz, coll. « Actes », 2012, p.195.

8 Déc.n° 2010-04, 31 déc.2010, relative aux instruments et procédures de politique monétaire et de crédit intra journalier de la Banque de France, mod. par déc. n°2011-01, 1er février 2011.

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